, par Christophe Delattre

C’est la plus belle fête du monde pour nombre de petits mioches dévalant les escaliers quatre à quatre, le matin, avant de plonger en hurlant sous un (faux) sapin bavant de couleurs et de lumières, les mains avides de cadeaux et de chocolat. Et reconnaissons-le, il y a sans doute là parmi les plus beaux souvenirs de notre vie. Mais, à l’origine ainsi que pour tout chrétien, Noël est avant tout une fête religieuse commémorant la naissance d’un certain Jésus-Christ. Vous l’avez compris, nous allons nous intéresser aux aspects historiques de cette fête…

L’origine de Noël

Même s’il existe par-ci par-là, avant 354, quelques témoignages de commémoration de la naissance de Jésus à des dates diverses du calendrier, force est de constater qu’il n’existait pas, pour les premiers chrétiens et leurs premiers descendants, de coutume se rapportant à cette fête. La notion même d’anniversaire de naissance était absente de ces sociétés, si ce n’est pour quelques rois ou empereurs. D’ailleurs, bien peu de personnes étaient en mesure de donner leur date de naissance. Pensez simplement au fait qu’en France, on ne fête les anniversaires de monsieur tout-le-monde et de ses enfants que depuis le début du XXème siècle.

il faudra donc attendre plus de trois cents ans pour voir apparaître cette fête de la nativité (qui allait plus tard donner Noël en français, par déformation du latin Natale, lui-même dérivé de Dies natalis, c’est à dire « jour de naissance ») dans le calendrier liturgique chrétien où, jusque là, on ne commémorait que Pâques et la Pentecôte. Selon la tradition, ce serait le fait de Tibère, l’évêque de Rome (le pape, si vous préférez), en 354. Il officialise également la date du 25 décembre dont il est fait mention quelques années auparavant. Et c’est l’empereur d’Orient, Théodose II qui codifiera les cérémonies en 425. Il faudra attendre le Xème siècle pour que cette fête se généralise à toute l’Europe (pays slaves en dernier). La crèche apparaîtra, en Italie, à la Renaissance.

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Quant à la tradition des cadeaux de Noël, elle semble remonter au XVIIème siècle, uniquement pour quelques enfants de notables et de souverains. Elle ne s’affirmera véritablement qu’au XIXème siècle lorsque la fête religieuse se transformera peu à peu en célébration familiale, ceci étant censé représenter les offrandes des bergers et des mages à l’enfant Jésus. Et c’est d’ailleurs pourquoi dans certains pays, comme l’Espagne ou l’Italie, on offre plutôt les cadeaux au moment de l’épiphanie, le 6 janvier.

La date de naissance

Il ne fait guère de doute que Jésus ait existé, ou plutôt Yeshoua, ainsi qu’il devait se nommer : Yeshoua, un prénom commun à l’époque en Galilée, contraction de Yehoshua (Josué), d’origine hébraïque même si la langue parlée était alors l’araméen, langue cousine de l’arabe actuel. Pour en finir avec l’étymologie, le mot « christ » vient du grec christos, lui-même une traduction de l’hébreu mashiah (messie), signifiant « oint », « huilé » (ce qui est plus graisseux que gracieux en français). Cela se réfère en fait à une ancienne tradition hébraïque consistant à déposer une goutte d’huile parfumée sur un objet ou la tête d’une personne pour le consacrer à Dieu. Ce fut notamment le cas des rois de Juda (David et sa lignée).

Concernant sa date de naissance, les évangiles ne nous aident guère. Ils furent écrits par la deuxième génération de chrétiens, voire la troisième, une quarantaine d’années après la mort de Jésus pour les synoptiques (Marc, Luc et Mathieu) et une soixantaine d’années, voire plus, pour l’évangile de Jean. Il s’agit donc de la retranscription tardive, en grec, d’une tradition orale existant entre les premiers groupes d’adeptes (que l’on ne nommera « chrétiens » qu’à la fin du premier siècle).

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Il y a fort à parier que Jésus, lui-même, ne connaissait pas sa date de naissance. Comme indiqué plus haut, une date de naissance n’avait pas l’importance qu’on lui donne aujourd’hui. A ce sujet, même la plupart des grands hommes ayant marqué cette époque de leur vivant (ce qui n’était pas le cas de Jésus) ne nous ont pas laissé cette information.
Si tant est qu’il y ait une historicité dans la nativité présentée par les évangiles (seuls Luc et Mathieu en parlent), la présence de bergers dans cette région tend à placer cette date au printemps ou à l’automne. Quant au lieu, beaucoup d’exégètes doutent que ce soit Bethléem en Judée, le village où naquit le roi David, et où justement devait naître le messie selon l’ancien testament. Cela laisse à penser qu’il s’agit là d’une rédaction plus théologique qu’historique. Ils privilégient plutôt la région de Nazareth en Galilée, foyer de la famille de Jésus. Enfin, peu importe.

Bref, vous avez compris que l’on ne connaît pas la date de naissance de Jésus-Christ, et qu’on ne la connaîtra jamais.

La date de Noël

C’est donc en toute liberté qu’au IVème siècle, la date commémorant la nativité fut placée au 25 décembre. Et ce n’était pas un hasard.

Dans le monde romain de cette époque, le 25 décembre, était célébré le Dies Natalis Solis Invicti, c’est à dire la date de naissance du Sol Invictus, le Soleil Invaincu. Un rite dont la tradition remontait au mythe perse de Mithra. Il s’agissait alors du solstice d’hiver, le moment où le jour recommence à croître. Et ceci correspondait également à diverses fêtes dans les cultures celtes ou germaniques. Le but était donc clairement de supplanter ces rites païens, même si, pour les chrétiens, la symbolique de la « renaissance » du soleil a dû également jouer un rôle dans le choix de cette date.

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Là, si vous êtes attentif, vous allez me dire que le solstice marquant le début de l’hiver, c’est le 20 ou le 21 décembre, pas le 25. Et vous avez raison. Cela est dû au calendrier julien qui fut utilisé jusqu’au XVIème siècle pour calculer l’année solaire et qui, malgré ses qualités, avait un léger décalage avec la véritable année solaire (8 jours d’écart par millénaire). Il fut remplacé par notre actuel calendrier grégorien mais, entre temps, le glissement des jours avait fait son effet, même s’il fut rattrapé en partie par la suppression de dix jours (on passa directement du 4 octobre au 15 octobre 1582). Il est à noter qu’en Russie, le calendrier julien fut conservé : c’est pourquoi, aujourd’hui, les Russes fêtent Noël lors de leur 25 décembre qui, pour nous, tombe un 7 janvier ! C’est aussi pourquoi la Révolution d’octobre a débuté le 7 novembre 1917 mais là, on s’écarte carrément du sujet.

L’année de naissance

Concernant l’année, Jésus-Christ est censé être né en l’an 1 (il n’y a pas d’année zéro). N’espérez pourtant pas fêter en 2015, le 2015ème ou plutôt le 2014ème anniversaire de celui-ci. En effet, au VIème siècle, le moine Denys le Petit (j’adore son nom en latin : « Dionysius Exiguus ») a commis une exiguus erreur alors qu’on lui avait demandé de déterminer l’année de naissance du Christ afin d’établir un calendrier chrétien, c’est à dire le calendrier romain (julien) dont l’origine devenait désormais l’année de naissance de Jésus. Reconnaissons qu’à sa décharge, il n’avait pas les moyens dont disposent aujourd’hui nos chercheurs.
Des anachronismes apparaissent en effet si l’on tient compte des informations présentes dans les évangiles, et notamment le règne d’Hérode Ier qui s’achève en -4 avant JC alors que Jésus est censé être né pendant ce règne. Selon les historiens actuels, la naissance de Jésus-Christ se situerait entre les années 7 et 4 avant… Jésus-Christ !

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Voilà, c’en est fini de cette petite note savante qui vous permettra d’égayer votre réveillon entre les blagues graveleuses du tonton et le super karaoké de Tino Rossi, ou la messe de minuit, c’est selon…

Quant au Père-Noël, nous irons à sa rencontre l’année prochaine, ou l’année d’après, ou… Enfin, l’important, c’est d’y croire, non ?

Et bien sûr… Joyeux Noël à tous !

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  Catégorie(s) : Divers

Commentaires

  Commentaire(s) : 7

  1. Je viens de découvrir votre site en faisant des recherches sur le vaste sujet de la mesure du temps
    et je tiens d’abord à vous REMERCIER de partager vos connaissances.
    Toutefois je suspecte votre explication de la date du 25 décembre pour la nativité. Le choix de le faire coïncider avec le solstice d’hiver ne fait aucun doute.
    Le problème est que le calendrier julien avait du RETARD par rapport aux saisons donc il ne pouvait pas avoir lieu le 25 décembre à l’époque (354 de notre ère) mais, au contraire AVANT le 21 décembre du calendrier julien en vigueur.
    Moi j’avais une autre explication avec la circoncision chez les juifs (cas de Jésus à la naissance).
    cf : https://fr.wikipedia.org/wiki/Circoncision_de_J%C3%A9sus
    Merci de me donner un argument si je me trompe.

    • Christophe Delattre

      Comme indiqué, il s’agissait, au IVe siècle de remplacer le culte du Sol Invictus, célébré tous les 25 décembre à l’issue des Saturnales (fêtes plus anciennes encore). Si à l’origine (-45), ce jour correspondait à peu près au solstice d’hiver, ce n’était déjà le plus cas à la fin du IVe siècle. Avec le calendrier julien, la date du solstice ne fait que reculer dans le calendrier : en 2020, le solstice d’hiver intervient le 8 décembre du calendrier julien (le même jour que notre 21 décembre grégorien).
      Outre le fait de se rapprocher de la durée de la véritable année astronomique, la réforme grégorienne, en 1582, a souhaité rattrapé le décalage en supprimant 10 jours. Ceci recalait le calendrier sur celui de l’année 313 (édit de Milan) mais pas sur celui de -57 (instauration du calendrier julien). C’est pourquoi le décalage entre le 25 décembre et le solstice d’hiver perdure encore de nos jours.
      J’espère avoir répondu au mieux à votre interrogation, et un grand merci pour votre intérêt pour carb.one !

  2. Excellent article !
    Pour en savoir plus, je recommande la lecture la « trilogie » de Gérard Prieur et Jérôme Mordillat: « Jésus contre Jésus », « Jésus après Jésus » et « Jésus sans Jésus » (ouvrages parus respectivement en 1999, 2004 et 2008). Je crois qu’il y a une adaptation pour la TV, mais rien ne vaut un livre…
    Noyeux Joël!

  3. Salut Christophe
    je viens de comprendre pourquoi on parle du pére nadao en patois Corrèzien. Natalité, nadal en occitan.

  4. Merci pour cette note de Noel précise et documentée. Les coptes orthodoxes (églises d’Afrique; Egypte, Soudan, Ethiopie, Erythrée) aussi célèbrent Noel le 6 janvier au soir.
    C’est quoi l’histoire du 7 novembre 1917?

    • Christophe Delattre

      Vous avez tout à fait raison pour les Coptes (calendrier julien également, avec quelques variantes). Pour le 7 novembre 1917, il s’agit du début de la 2ème révolution russe qui allait permettre au parti bolchevique de prendre le pouvoir, et que l’on appelle communément la « révolution d’octobre » (car, pour les Russes, on était encore en octobre).

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