, par Christophe Delattre

Ceci est un ensemble de notes prises à l’occasion du visionnage d’une série de documentaires historiques diffusés sur la chaîne Arte. Plutôt que de conserver cela pour moi, j’ai choisi de vous les mettre librement à disposition (je sais, je suis quelqu’un de très généreux). Le fait qu’il s’agisse d’un carnet de notes explique le style un peu décousu.

Ces documentaires mettent en avant les travaux de l’archéologue Israël Finkelstein et de l’historien Nils Silberman. S’appuyant sur les découvertes les plus récentes, ils tentent de répondre à ces deux questions : pourquoi l’Ancien Testament a t-il été écrit, et par qui ? Il s’agit de savoir quelle est la part de la légende, et la part de l’Histoire.

Hormis le fait de prendre ces notes, je ne suis en aucun cas à l’origine de ce travail, et n’ai pas à en être crédité en lieu et place des véritables auteurs. Cette série datant de 2005, s’intitule « La Bible dévoilée », et est produite par France 5, Cabiria Films et SZ Productions. Si vous en avez l’occasion, je vous invite grandement à la visionner.

Que les choses soient bien claires. L’Ancien Testament est ici relu avec les outils de la science et de la raison, indépendamment des dogmes religieux. Il n’y a là aucune volonté de la part des auteurs (et de moi-même) de ridiculiser ou combattre ces religions, ni a contrario d’en faire le prosélytisme.

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Une précision géographique qui pourra vous être utile…
La région qui correspond plus ou moins aujourd’hui aux territoires réunissant la Palestine, Israël, l’ouest de la Jordanie, le sud du Liban et l’ouest de la Syrie, est appelée « Canaan » dans la Bible. C’est du moins le nom qu’elle porte avant la conquête de Josué. « Le Levant », terme datant du Moyen-Age, recoupe à peu près le même territoire.

Résumé

Comme pour un film, ce résumé très personnel est un vilain spoiler. Si vous le souhaitez, vous pouvez d’ores et déjà passer à la première partie de mon carnet de notes concernant les patriarches (ci-dessous), et éventuellement revenir à ce résumé après votre lecture. Maintenant, si vous avez la flemme de lire ces notes, vous pouvez bien sûr vous contenter de ce résumé. Bref, vous faites comme vous voulez.

Cette série documentaire tend à démontrer l’influence qu’aurait eu un roi, plutôt méconnu du grand public : Josias, ainsi que le cadre historique et politique du 7e siècle av. JC sur le territoire de Juda, époque où fut certainement rédigé, non pas l’ensemble, mais la colonne vertébrale de ce qui allait devenir l’Ancien Testament.

Les récits d’Abraham, de son fils Isaac et de son petit-fils Jacob (les patriarches) censés se dérouler au deuxième millénaire avant JC sont parsemés d’éléments anachroniques mais tendent à fixer leur rédaction au 7e siècle av. JC. L’archéologie et l’histoire sont incapables de démontrer l’existence ou non de ces trois personnages du passé, mais il semble qu’ils correspondent chacun à des mythes différents venus de régions différentes de Canaan (Jacob au nord, Abraham du côté de Jérusalem et Isaac plus au sud). Le fait de les réunir ainsi dans une même famille montre une volonté politique, de la part des rédacteurs, d’unifier les différentes populations du nord et du sud au sein d’une même nation.

L’archéologie et l’Histoire démontrent également que l’exode du peuple hébreu d’Egypte en Canaan sous la conduite de Moïse vers le 15e ou le 13e siècle, tout comme la conquête de Canaan qui a suivi, par ce même peuple sous la direction de Josué, est un récit qui ne repose sur aucun fait historique, et est en complète contradiction avec l’archéologie. Mais cela met à nouveau en lumière le cadre historique et politique dans lequel ce récit a connu un début de rédaction : le 7e siècle av. JC. où il s’agissait de montrer que le peuple israélite pouvait s’opposer à un empire comme l’Egypte, et qu’uni, il pouvait devenir un peuple conquérant.

A la suite de la conquête de Canaan, la Bible parle d’une période de troubles à laquelle mettra fin le temps des rois, prouvant ainsi au peuple la nécessite de la royauté. L’histoire de ces rois de Juda, ayant pour capitale Jérusalem peut aussi être mise en doute. David, le second d’entre eux et celui qui allait fonder une dynastie, a probablement existé au 10e siècle av. JC, chaque roi de Juda se proclamant de la lignée de David. Son fils Salomon n’a lui laissé aucune trace mais a pu exister. En revanche, le grand empire qu’aurait créé David et les constructions majestueuses qu’aurait entrepris Salomon demeurent de l’ordre du mythe, et ont sans doute pour vocation de mettre en avant la grandeur passée du royaume de Juda.

Que sait-on réellement de l’histoire de cette région ?

Avant le 12e siècle, Canaan a une population semi-nomade et est constituée de plusieurs cités-états, toutes sous domination égyptienne. Cette civilisation cananéenne va s’effondrer sous les coups de boutoirs de « peuples de la mer » qui vont aussi ravager les régions voisines. Nous ne savons que peu de choses concernant ces envahisseurs. La Bible parle de Philistins. Parallèlement à ces faits, les hautes terres de l’intérieur, avant tout peuplés de bergers (qui sont les seuls à ne pas manger de porcs… puisqu’ils n’en ont pas), vont connaître un début d’urbanisation, sans doute pour des raisons économiques car devant faire face à la disparition progressive de leur clientèle des cités-états. Des ruines de Canaan vont naître, à l’intérieur des terres, vers le 10e siècle, deux royaumes : Israël au nord et Juda au sud. Ces bergers, auxquels se mêleront les anciens Cananéens, sont devenus le peuple israélite.

Israël, grâce à ses terres plus riches connaîtra un rapide essor, Juda restant pauvre (Jérusalem, sa capitale, n’étant qu’un modeste village). Les premiers rois d’Israël seront de grands bâtisseurs. En dehors de la Bible, on connaît en revanche peu de choses des premiers rois de Juda, si ce n’est qu’il descendent probablement d’un roi nommé David.

israel et juda

Tout va être chamboulé au 8e siècle : l’empire assyrien envahit et détruit le royaume d’Israël. Au sud, le royaume de Juda demeure seul et connaît une poussée démographique avec l’arrivée des réfugiés du nord (la population de Jérusalem est multipliée par 10 en l’espace de 30 ou 40 ans). Mais, au début du 7e siècle, pour ne pas connaître le sort d’Israël, Juda doit payer un tribut et prêter allégeance à l’Assyrie. Ce protectorat assyrien provoquera, en fait, un essor économique pour Juda grâce au commerce qui s’ouvre avec l’Arabie.

A la fin du 7e siècle, c’est le déclin de l’empire assyrien… Sous la direction de son roi, Josias, le royaume de Juda, redevenu indépendant, ne rêve que de reconquérir les terres de l’ancien royaume d’Israël. Pour y parvenir, Josias a une ambition politique et religieuse : réunir les habitants dans une même nation, possédant une seule histoire, un seul dieu et un seul temple. C’est une véritable révolution religieuse que va entreprendre Josias. Avant lui, les israélites vénèrent de nombreux dieux, le plus important dans l’ancien royaume d’Israël étant un taureau (faisant penser à l’épisode du veau d’or) alors qu’à Juda, il s’agit de Yahvé qui, lui-même, a pour épouse une déesse (Asherah).

Le monothéisme (qui avait sans doute des racines plus anciennes) de Josias, roi de Juda, va donc faire la part belle à Yahvé qui devient seul et unique dieu. Mieux, de nombreux temples vénéraient Yahvé mais, avec Josias, il n’existe plus que le temple de Jérusalem. Ce projet est à l’origine ou a pour origine (c’est affaire de croyance) la découverte dans les fondations du temple, par le grand prêtre de Jérusalem, du « Livre de la Loi » censé avoir été rédigé par Moïse. Un livre (probablement une bonne partie du Pentateuque) qui va parfaitement correspondre aux desseins de Josias qu’il s’agisse de la réforme religieuse, de la possibilité de vaincre l’empire égyptien, de la place prépondérante offerte à Jérusalem, ou de l’histoire ancienne de cette pourtant nouvelle nation israélite.

Si la révolution de Josias connaîtra une impressionnante postérité, son rêve ne verra pas le jour. Le grand ennemi du moment, l’Egypte, mettra fin au rêve de la reconquête d’Israël. Josias sera vaincu et tué à la bataille de Megiddo par le Pharaon Nekao II. Dans les années suivantes, l’Egypte sera défaite par Babylone et son roi Nabuchodonosor II qui deviendra maître de Juda, déportera les élites israélites (l’exil à Babylone), et crèvera les yeux du dernier roi de Juda (Sédécias) après avoir exécuté ses fils.

Bien sûr, cette série ne traite pas de l’ensemble de l’Ancien Testament. Des éléments ont sans doute été rédigés avant le 7e siècle, et bien plus après, notamment à la suite de cette déportation à Babylone, au 6e siècle, ce qui amènera la transmission de mythes mésopotamiens (Noé) ou leur création inspirée par Babylone (la tour de Babel).

Cette Bible hébraïque ou Ancien Testament, sera à la base non seulement du Judaïsme mais également des deux autres religions du livre (ainsi bien nommées) : le Christianisme et l’Islam.

Passons maintenant à l’analyse, épisode par épisode…

I. Les Patriarches

L’Ancien Testament est autant un livre d’histoire ancienne qu’un ensemble de règles ayant donné naissance à une religion : le judaïsme. Il est la source du christianisme, et va inspirer, quelques siècles plus tard, le Coran, texte fondateur de l’islam.

L’Ancien Testament est le nom communément donné à la Bible hébraïque. C’est au départ un livre très spécifique, lié au peuple hébreu, mais il va, par la suite, du fait de sa réception et de son élargissement, devenir un livre apportant un message universel. C’est d’ailleurs le premier livre imprimée de l’histoire de l’humanité.

Il ne s’agit pas à proprement parler d’un livre. C’est une suite de livres. C’est d’ailleurs le sens du mot « bible » (un mot venu du grec signifiant « les livres »).

C’est sur la terre de Canaan que vécurent, selon l’Ancien Testament, les patriarches Abraham, Isaac et Jacob.

L’Ancien Testament respecte plus ou moins un ordre chronologique. Ses cinq premiers livres, formant le Pentateuque (la Torah en hébreu), en sont le socle.

Le premier de ses livres s’intitule « Genèse ». Il conte, durant onze chapitres, l’histoire de la création du monde, de la création de l’homme, l’origine de la violence (Abel), le déluge (Noé), et finalement l’origine de la diversité des langues et de l’humanité (la tour de Babel).

Soudain, au chapitre 12, on aborde l’histoire d’Abraham et donc l’origine du peuple hébreu. Suivant l’ordre de Dieu, ce berger nomade quitte sa terre avec sa femme Sarah, son neveu Loth et ses troupeaux, en direction d’une terre promise. Un voyage de plusieurs milliers de kilomètres de la Mésopotamie vers Canaan, avec un détour par l’Egypte.

De quand date l’histoire d’Abraham ?

En suivant les données bibliques, on a longtemps daté l’histoire d’Abraham à 1800 av. JC (c’est à dire l’âge du bronze moyen pour les archéologues).

L’actuel Megiddo où sont entrepris des fouilles qui vont nous intéresser, est, dans l’Ancien Testament, Armageddon, le lieu du dernier combat de l’apocalypse. Il est situé à un carrefour économique et stratégique entre l’Egypte, le Levant et la Mésopotamie.

A cette époque (1800 av. JC), Megiddo est un centre administratif, cultuel et économique important, avec des édifices monumentaux, des fortifications et des temples. C’est une cité-état de près de 2000 habitants. A cette époque, Canaan était une région économiquement développée avec un réseau de cités-état très dense. Cela ne correspond guère à la description faite par la Bible à l’époque de la migration d’Abraham.

Concernant l’histoire de cette migration, il faut savoir que Canaan est un territoire tampon entre l’Egypte et la Mésopotamie. Ces empires y ont laissé de très nombreux vestiges. Notamment les civilisations du nord (de Syrie et de Mésopotamie : sumériens puis akkadiens puis assyriens puis babyloniens) depuis le 4e millénaire jusqu’au 1er millénaire av. JC.

On dispose, grâce à ces grandes civilisations mésopotamiennes, de milliers de tablettes d’argile écrites en cunéiformes dont beaucoup datent du 2e millénaire. Elles nous renseignent sur la vie des différents peuples de l’époque.

On sait depuis les années 50 qu’une vaste migration d’un peuple nomade (les Amorites) venu de Mésopotamie vers 2000 av. JC a provoqué la destruction de la culture urbaine dans le Levant. Abraham serait-il l’un de ces Amorites ?

Mais problème : les migrations amorites se sont faites dans le sens ouest-est, alors que pour Abraham sa migration est dans le sens est-ouest. Donc pas de migrations vers Canaan à l’époque où la Bible situe le départ d’Abraham.

D’autres tablettes (découvertes à Mari) ont relancé l’enquête. Elles prouvaient que les noms des patriarches étaient très communs au 2e millénaire av. JC, et donc que l’apparition de tels noms dans certains textes ne constituaient pas une preuve de datation.

A Nuzi, on a découvert des tablettes de cette époque relatant une histoire semblable à celle de Sarah (la femme d’Abraham, stérile donnant sa servante à son mari pour qu’elle porte ses enfants). Mais on retrouve ces mêmes coutumes dans des tablettes du 1er millénaire. Cela ne prouve donc rien : on ne peut pas situer les patriarches à une période particulière, 2e ou 1er millénaire av. JC.

Concernant le récit d’Abraham, l’archéologie aboutit donc à une impasse. Mais on peut se servir des indications du texte de la Bible.

On y parle, concernant l’époque des patriarches, d’un peuple : les Philistins.

Nous savons qu’ils font partie d’un groupe de peuples d’origine inconnue, arrivés progressivement sur les plaines côtières du Levant, et désignés sous le nom de « peuples de la mer ». L’archéologie et des textes autres que la Bible indiquent que ces peuples de la mer sont arrivés vers la fin du 13e siècle ou durant le 12e siècle av. JC. Il n’y aucune trace d’eux à l’époque d’Abraham puisqu’ils apparaissent cinq ou six siècles plus tard.

En outre, dans le livre de la Genèse, on trouve l’indication de « chameaux » dans le récit d’Abraham. Or, au proche-orient,, il n’y a pas eu de domestication du chameau avant le 1er millénaire av. JC.

Mieux, les caravanes de chameaux décrites par la Bible (concernant le récit de Joseph, le fils du patriarche Jacob) dépeignent une réalité du 7e siècle av. JC.

Nous savons donc que le récit de la Genèse ne décrit pas le paysage du 18e siècle av. JC. Il y a trop d’anachronismes montrant qu’il ne s’agit pas de l’âge du bronze moyen. En revanche, de nombreux détails montrent qu’il s’agit du 7e siècle av. JC. C’est en tous cas la période à laquelle cette histoire a dû être mise par écrit.

La question du « quand » est résolue mais il reste à savoir pourquoi les auteurs de la Genèse ont raconté cette histoire de cette manière.

Pourquoi les Patriarches ?

Selon le récit biblique sur la fin de sa migration, Abraham arrive du nord et s’installe à Hébron, au centre de Canaan. Son fils Isaac ira vers le sud de Canaan. Son petit fils, Jacob (qui prendra le nom d’Israël) ira vers le nord.

Il semble clair que nous avons affaire à l’origine de trois traditions séparées. Ces patriarches n’avaient en fait, pas de lien de parenté. Au nord, on racontait l’histoire de Jacob. Au centre, l’histoire d’Abraham. Au sud, l’histoire d’Isaac. L’histoire de cette filiation entre les patriarches semble être en fait une construction tardive des rédacteurs bibliques, voulant donner l’impression qu’il existe un lien entre ces trois patriarches, alors qu’à l’origine ce lien n’existe pas.

Dès le 19e siècle, l’exégèse biblique allemande avait décelé dans la Genèse le tissage de récits d’origines variées, les unes liées au royaume du nord (Israël), les autres au royaume du sud (Juda).

Pourquoi Abraham devient-il le personnage central ? La réponse est claire : nous sommes à Jérusalem au 7e siècle av. JC, à l’époque du royaume de Juda. Peu importe que les patriarches soient des figures historiques ou mythiques. Ce qui importe, c’est le contexte du récit. Ses auteurs ont décidé de placer Abraham en premier, au centre de ce récit, plaçant ainsi Juda au centre de l’univers.

En fait, la Genèse présente tous les peuples de la région comme des descendants de la famille d’Abraham, avec tous les problèmes que connaissent les familles mais aussi avec l’idée qu’il y a une unité profonde qui relie ces différents peuples. Pour les rédacteurs de la Bible, au 7e siècle à Jérusalem, le personnage d’Abraham devient ainsi le symbole de la naissance d’une nation.

II. L’Exode

Selon l’Ancien Testament, les descendants des patriarches se sont installés en Egypte et y ont séjourné 430 ans. Leur délivrance par Moïse, leur errance dans le désert et la Loi qu’ils ont reçu des mains de Moïse sont racontées dans le deuxième livre de la Bible : l’Exode.

Mais l’Exode a t-il eu lieu ?

Présence du peuple israélite en Egypte ?

Quelles sont les circonstances de l’arrivée des fils de Jacob en Egypte ? A la fin de la Genèse, Joseph est vendu par ses frères à des caravaniers, il est racheté par un officier qui l’introduit à la cour de Pharaon où il devient grand Vizir (l’équivalent d’un premier ministre) : un destin exceptionnel. Joseph va faire venir Jacob et toute sa famille. Ils vont se multiplier.

En Egypte, tout ce qui relève de l’administration de l’empire, des grands événements aux actes de gestion quotidienne de l’Etat est consigné par écrit.
L’histoire de Joseph est possible car des sémites naturalisés ont atteint des postes importants.
Il y avait des commerçants sémites mais il y a eu aussi des famines qui ont obligé des bergers et des fermiers à aller en Egypte pour y travailler.

Une petite parenthèse : le mot « Pharaon » vient de la Bible. Les Egyptiens n’ont jamais appelé leur roi « Pharaon ».

De quand date l’Exode ?

Un nouveau pharaon va arriver au pouvoir qui ne connaît plus Joseph, ni ce qu’il a fait. C’est le début de l’oppression.
Moïse, bébé, est confié au Nil pour échapper à la mort des premiers nés israélites ordonnée par le pouvoir. Il est recueilli par la fille du Pharaon, et est élevé comme un noble égyptien. Un jour, il tue un contre-maître qui avait frappé un esclave israélite. Il s’enfuit dans le désert. C’est là que le Dieu d’Israël lui ordonne de libérer son peuple et de le mener vers la Terre d’Israël.
Il s’en suit un affrontement entre Pharaon et Moïse : épisode des dix plaies d’Egypte qui forcent le Pharaon à accepter… avant de se rétracter.
Le peuple israélite franchit la Mer rouge, l’armée égyptienne qui le poursuit, est ensevelie sous les eaux.

Ramsès II correspond au « Pharaon bâtisseur » de la Bible.
Selon le texte, l’exode a lieu 460 ans avant la construction du Temple de Salomon, donc au 15e siècle avant JC.
Mais la mention de la ville de Pi Ramsès a amené les chercheurs à situer cette histoire au plus tôt au 13e siècle, période où l’on trouve les premiers pharaons portant le nom de « Ramsès ».
Or, il existe une stèle funéraire du fils de Ramsès II qui décrit une guerre contre Canaan. Elle établit une liste de cités et de peuples défaits. Il y est fait pour la première (et la seule) fois mention d’Israël. Date d’érection de la stèle : 1216 av. JC. A cette époque, Israël est donc déjà installé en Canaan. Par conséquent : l’exode n’a pu avoir eu lieu qu’avant cette date. L’Exode ayant duré quarante ans, la datation est donc très « serrée ».

Après avoir reçu les dix commandements au Mont Sinaï, ils résident pendant 38 ans à l’oasis de Kadesh-Barnea.
Cet oasis a été systématiquement fouillé dans les années 50 et 60. Aucun vestige datant de l’époque du 13e siècle n’y a été trouvé. On peut détecter le passage de simples bergers mais aucune trace archéologique ou textuelle d’un séjour des Israélites dans cet oasis comme dans toute la péninsule du Sinaï.

De plus, la Bible évoque 600 000 hommes en armes (soit sans doute deux millions de personnes en tout). Un grand pays comme l’Egypte comptait à cette époque 3,5 millions d’habitants. La fuite de deux millions de personnes aurait provoqué un effondrement économique et social dont l’empire ne se serait pas relevé. Mais rien de tout ça dans les annales égyptiennes.

Ce n’est donc pas un récit historique.

Quelle est la date de rédaction de l’Exode ?

Les nombreux éléments géographiques indiqués peuvent nous dire à quelle période, ce récit a été écrit. L’une des villes citée a été bâtie vers 600 av. JC. En fait, de nombreuses villes n’existaient pas à l’époque du 13e siècle. Le décor correspond plus à la 26e dynastie égyptienne, entre 664 et 525 av. JC.

Comme d’autres récits de la Bible, l’exode a sans doute connu un début de rédaction au 7e siècle av. JC.

Pourquoi un tel texte à cette époque ?

Au 9e siècle et une bonne partie du 8e siècle, il y avait deux royaumes en Canaan : Israël et Juda. Ils étaient situés entre les deux plus importants empires du proche-orient : l’Egypte et l’Assyrie.
En 722 av. JC, les Assyriens s’emparent du royaume du nord (Israël). Un flot de réfugiés arrivent dans le royaume du sud (Juda où se situe Jérusalem). Juda reste alors la seule nation israélite.

A l’époque du roi Ezechias, la population et la superficie de Jérusalem ont décuplé en l’espace de 30 ou 40 ans (en raison du flot de réfugiés).
Face à la menace assyrienne, Ezechias a décidé de construire des fortifications autour de cette nouvelle ville qui s’étendait au-delà de la ville ancienne.
Sous Ezechias, Jérusalem s’est métamorphosée. D’une modeste bourgade de 6ha, la ville est devenue, une zone urbanisée d’environ 60ha, protégée par une imposante muraille, avec des tunnels la ravitaillant en eau.

En 701 av. JC, les Assyriens attaquent Juda (avec le siège de la cité de Lakish qui est soumise). Pour éviter que Jérusalem subisse le même sort, Juda paie un tribut et devient un état vassal de l’Assyrie. Paradoxalement, ce fait provoque un essor économique sans précédent pour Juda qui participe au commerce arabe. Parallèlement, une véritable administration se met en place. C’est l’acte de naissance d’un véritable état à la fin du 8e siècle.

En proie à des conflits internes, les Assyriens se retirent du Levant vers 630 av. JC.
Pour Juda, le rêve est alors de conquérir l’ancien royaume d’Israël, au nord. C’est dans ce contexte que le récit de l’Exode prend tout son sens. A Jérusalem règne alors Josias, l’arrière petit-fils d’Ezechias. Ce rêve d’un royaume unifié est celui de Josias.

La Bible ne tarit pas d’éloges à son égard, en faisant un roi exceptionnel. On sait aussi qu’il a entrepris des travaux dans le Temple de Jérusalem. Lors de ces travaux, on dit que le grand prêtre va découvrir un livre : le Livre de la Loi. C’est suite à cela que Josias entreprend une réforme religieuse radicale, interdisant tout autre lieu de culte que le Temple de Jérusalem. La découverte du livre est-elle véritable ? S’agit-il d’une mise en scène mûrie de longue date ? Nul ne le sait. On pense que ce livre serait le Deutéronome (le 5e livre du Pentateuque).
Josias avait l’intention de centraliser le pouvoir, de renforcer l’administration, de contrôler l’état, d’où sa volonté de centraliser le culte : tous les Israélites ne doivent honorer qu’un seul dieu, en un seul endroit : Jérusalem. C’est donc avant tout un enjeu politique.

Quant à son rêve d’instaurer un état unifié (Juda et Israël), il va se heurter au réveil de l’Egypte qui, à cette époque, renoue avec ses ambitions impériales. L’Egypte va reprendre le contrôle d’une partie de Canaan. L’Egypte représentait donc le seul obstacle à l’ambition de Josias.

S’agissait-il pour Josias de faire passer, avec ce texte de l’Exode, un message d’espoir à son peuple : les Israélites soutenus par Dieu et la Loi pouvant s’opposer à un grand empire comme l’Egypte ?
Implicitement comparé à Moïse, un homme va endosser le rôle du libérateur et du législateur : le roi Josias. Depuis lors, cette loi, sa transmission et son étude constituent le deuxième pilier du Judaïsme. Une religion unit son peuple et son dieu comme au temps de Josias, par un contrat, lu et commenté à l’infini.

III. Les Rois

La conquête de Canaan

Après la mort de Moïse, Josué et le peuple israélite franchissent enfin le Jourdain. Dieu lui donne la mission de conquérir cette terre. Il le fait en prenant la tête d’une immense armée de tribus confédérées.

Le Livre de Josué décrit la conquête de Canaan, pas à pas, cité conquise par cité conquise. C’est une grande saga faite de guerre et de bravoure. La question est de savoir si cela s’est vraiment passé. Et si oui, est-ce que cela s’est passé comme il est décrit dans la Bible.

La Bible présente cette conquête comme une guerre éclair et totale : au bout de quinze jours, toute la population de Canaan est exterminée, sans pitié.

Hazor en Galilée est décrite comme la capitale du précédent royaume. Il y a cinquante ans, on a pu retrouver les traces d’une destruction par le feu du palais d’Hazor. Cela pourrait être une preuve tangible de la conquête de l’armée de Josué. Des traces de destruction similaires ont également été constatées dans de nombreux autres sites archéologique du pays.

Jéricho – la plus célèbre bataille – est un des sites les plus fouillés. La Bible raconte que des trompettes ont fait tomber les murailles de la ville. Mais les ruines trouvées sont antérieures au 13e siècle av. JC. A l’époque suggérée par la Bible, il n’y avait aucune muraille à abattre : Jéricho était inoccupée.

Ce n’est donc pas un récit historique, et cela s’applique aux autres sites indiqués dans le récit de Josué, car la plupart des villes mentionnées n’existaient pas à cette époque.

Une autre incohérence : en comparant les différents sites fouillés, on constate que le processus de destruction s’est étalé sur près d’un siècle. Toutes ces cités n’ont pas été détruites au même moment.

Quelle était la situation politique au Levant au cours de ce 13e siècle ? Toutes les cités-état de Canaan étaient des vassales de l’Egypte. Canaan était une province égyptienne. L’Egypte occupait le pays et y avait installé un réseau de places-fortes. Les Egyptiens y étaient encore un siècle après la date de la conquête. Les fouilles archéologiques indiquent donc que cette conquête n’a pas eu lieu.

Le Livre de Josué n’est pas de l’Histoire. C’est un récit mythique, plein de miracles et de bravoure, qui, comme pour les Patriarches et l’Exode, raconte l’émergence d’une nation. Josué préfigure les rois à venir.

L’histoire des rois

Après le Livre de Josué, vient le Livre des juges qui, après la mort de Josué, montre une nation en plein chaos. Il sert à démontrer que, sans roi, sans pouvoir central, il n’y a pas possibilité d’organiser la nation.

A la suite de ce Livre des juges, arrive le Livre de Samuel qui est l’introduction de l’histoire de la royauté puisque Samuel va être celui qui choisira Saül puis David comme roi d’Israël.

La Bible présente David comme celui qui va recevoir l’onction divine, d’où le messie ou messiah en hébreu : celui a reçu l’onction.

David a t-il existé. Une inscription découverte à Tel-Dan : un roi de Damas mentionne parmi ces ennemis vaincus, un roi descendant de la lignée de David. C’est la preuve majeure de l’existence d’un roi nommé David qui a régné au Xe siècle av. JC.

Le problème est de savoir si le grand royaume de David a existé. La Bible parle d’un empire, un territoire immense avec Jérusalem en son centre.

Dans la ville actuelle de Jérusalem, il est difficile de retrouver les traces de la Jérusalem de David au Xe siècle.

A l’âge du fer, on enterrait les morts à l’extérieur de la ville. Cela permet de tracer un cercle exempt de tombes qui est l’empreinte de la ville à l’âge du fer. Cette carte permet de connaître l’étendue de la ville à la fin du 8e et au 7e siècle av. JC, donc au temps des rois Ezechias et Josias. Mais c’est là la capitale au temps où Juda était prospère.

Qu’en est -il de la ville de David, plus ancienne de deux siècles ? L’archéologie y trouve bien une activité humaine mais cela reste très modeste : un petit village sans fortification, ni monument. La capitale de David n’était qu’un modeste village d’une superficie de 3 à 4 hectares.

Si David est avant tout présenté comme un conquérant, son fils, Salomon est, lui, présenté comme un grand bâtisseur. Et Salomon est tellement connu – sa réputation de sagesse va jusqu’au fin fond de l’Afrique – que même la reine de Sabbat vient lui rendre visite. Il est dit que Salomon a un empire tellement grand qu’aucun autre ne peut le concurrencer.

Salomon serait aussi le constructeur du grand Temple de Jérusalem. Mais pour des raisons de sensibilité religieuse, il est actuellement impossible pour les archéologues de procéder à des fouilles qui permettraient éventuellement de découvrir des traces de ce temple.

Comme la capitale de David, celle de Salomon semblait être un village insignifiant. Mais pour le reste du royaume ?

On a découvert une immense porte – en triple tenaille – à Megiddo. Egalement à Hazor. Une troisième semblable à Gezer. Cela semble porter la marque d’un seul et même architecte : le roi Salomon (les trois villes sont citées dans la Bible). Mais des vérification stratigraphiques récentes ont montré que la porte de Megiddo est postérieure à celle de Hazor. Il est également prouvé que les portes en triple tenailles existaient aussi au 8e siècle.

Des analyses récentes au carbone 14 indiquent que la porte de Megiddo dateraient du 9e siècle, soit un siècle après Salomon. Il faut reconsidérer l’empire de Salomon.

Une histoire du nord écrite par le sud

Des marques présentes sur des pierres d’un palais attribué à Salomon se retrouvent aussi à Samarie. Au 9e siècle av. JC, Samarie est la capitale du royaume d’Israël, bâtie par un roi du nom d’Omri. On y a découvert de vastes monuments construits par ce roi et ses descendants. La Bible considère ceux-ci comme des rois débauchés et apostats. Mais les autres sources donnent d’eux une toute autre image. Et la Bible parle d’un royaume petit et marginal, ce qui ne semble pas être le cas (les édifices le démontrent) : c’était un royaume très puissant, au sol riche et au climat peu rigoureux.

Le royaume le plus riche, le plus fort, le plus ouvert sur le monde extérieur, était le royaume du nord : celui d’Israël. Tandis que Juda, au sud, avec ses monts rocailleux et sa maigre population, était petit, pauvre et marginal.

Au 8e siècle, les ambitions assyriennes détruisent les rêves du royaume du nord. Israël est balayé de la carte. Juda reste le seul royaume israélite, et tout va se jouer dans sa capitale, Jérusalem.

Ces deux royaumes frères, le fort et le faible, partageaient la terre de Canaan. Et pourtant, c’est le faible, Juda, qui va écrire l’histoire de la famille, et va s’attribuer les succès des grands rois du royaume du nord qui, eux, seront très mal traités par la Bible.

A la fin du 7e siècle, un jeune roi, Josias, règne sur Juda. Il souhaite conquérir les terres du royaume disparu d’Israël. L’empire assyrien est en déclin, ce qui permet d’envisager cette réunification sous un roi de la lignée de David.

Dans ce cadre, les histoires de la conquête de Josué et du grand empire de Salomon jouent un rôle important. Ces récits du passé décrivent l’idéal de Josias pour l’avenir. Dans la Bible, Josias est d’ailleurs décrit comme le nouveau David. On y lit également que l’engagement divin envers la dynastie de David est inconditionnel.

Mais l’Histoire en décidera autrement. L’Egypte revient en force. Le pharaon Neko II convoque Josias et le tue.

La mort de Josias modifie le concept de « messie ». Jusqu’alors, chaque descendant de David était messie (ayant reçu l’onction de Dieu). C’était le symbole de leur légitimité en tant que roi de Juda. Mais les promesses incarnées par Josias (la reconquête d’Israël) étaient, avec sa mort, réduites à néant. Désormais, le « messie » ne correspond plus à l’avènement d’un roi mais celui d’un espoir futur. Aujourd’hui, cette foi en des temps messianiques se trouve au cœur de la liturgie juive : un roi de la lignée de David viendra réaliser le rêve de Josias : un royaume terrestre qui accomplira le projet divin.

IV. Le Livre

Qui sont ceux que la Bible désigne sous le nom d’enfants d’Israël, et d’où viennent-ils ?

Puisque l’Exode (la sortie d’Egypte) n’a laissé aucune trace, et que le pays de Canaan n’a pas été conquis militairement, d’où viennent les Israélites ?

La stèle égyptienne de Mérenptah (1207 av. JC) parle, concernant Canaan, d’un peuple semi-nomade, non sédentarisé. Canaan est alors organisé en cités-état sous la domination égyptienne.

A cette époque (13e siècle), Megiddo est une ville cananéenne prospère. Soudain, vers 1130 av. JC, elle est détruite. Ce n’est que l’une des preuves de la destruction de la culture cananéenne : d’autres villes subiront le même sort entre le 13e et le 12e siècle. Il a fallu un siècle pour qu’elles soient toutes détruites.

A cette époque, l’empire égyptien est en régression, l’empire hittite disparaît, tout comme en Grèce, la culture mycénienne. Et à Canaan, les cités sont balayées. Que s’est-il passé ?

Des tablettes en cunéiformes provenant de la ville d’Ougarit livrent les premières informations, accusant des agresseurs venus de la mer.

Ces peuples de la mer qui ont attaqué toute la Méditerranée orientale, restent un groupe de peuples très mystérieux. Les plus connus sont les Philistins décrits par la Bible mais aussi d’autres indiqués par les Egyptiens. On ne sait pas d’où ils viennent.

En moins d’un siècle, les peuples de la mer occuperont toute la côte de Canaan. Dans une telle situation de chaos, toutes les cités cananéennes n’ont pas été détruite par les seuls peuples de la mer, mais sans doute aussi par d’autres cités. Des peuples nomades pouvaient aussi tenter leur chance.

Dans les hautes terres du centre de Canaan, dont la densité de population est faible, un processus se met en place. Entre le 12e et le 10e siècle av. JC, près de 250 villages se sont constitués dans les hautes-terres. C’est une transformation sociale graduelle mais radicale. C’est l’émergence du premier Israël.

Les villages de ces populations sont très différents des villages existant dans les régions basses : ils sont ovales, et rappellent les campements des bédouins d’aujourd’hui. L’élevage constituait l’activité principale des habitants. S’il s’agissait de pasteurs nomades, pourquoi leurs tentes ont été remplacées par des logements en dur ?

Les nomades ont besoin d’un système d’échanges avec les populations sédentaires (animaux et peaux contre produits de l’agriculture, céréales notamment). Si le système d’échanges s’effondre, les nomades doivent produire eux-mêmes leurs grains. Ils doivent donc se sédentariser. Et tout cela à cause du chaos régnant à cette époque en Canaan.

La culture sédentarisée de ces peuples des hautes terres semble peu différente de celle des peuples voisins. A une exception : leur régime alimentaire. Dans les fouilles, aucun ossement de porc n’a été trouvé, alors que les Cananéens et les Philistins mangeaient, eux, beaucoup de porcs. Pourquoi cette bizarrerie ? Les raisons possibles : l’origine pastorale de cette population (ils n’élèvent pas de porcs).

Ces hautes terres se divisent en deux. Au sud, la terre est maigre et empêche de développer l’agriculture. Au nord, l’eau est plus abondante et les vallées fertiles autorisent l’agriculture céréalière, ainsi que les oliviers et de la vigne. Les villages situés sur les axes commerciaux s’enrichissent, et deviennent des villes, à l’image de Samarie au nord. C’est pourquoi deux entités distinctes vont apparaître : au nord le royaume d’Israël, et au sud le royaume de Juda. L’archéologie n’a jamais trouvé de royaume unifié tel que le décrit la Bible.

Les deux royaumes

La stèle de Mecha trouvée au sud de la Jordanie a été érigée par le roi de Moab afin de remercier l’un de ses dieux pour une victoire face au royaume d’Israël. Elle parle du roi Omri d’Israël et date du 9e siècle. Une autre stèle de la même époque nous apprend que le roi de Damas a tué Joram, le roi d’Israël, ainsi que Ochozias, le roi de Juda. Il y a donc bien deux royaumes distincts.

Toutefois, la Bible attribue à ces deux royaumes, un culte commun : celui de Yahvé. Les fouilles ont permis de dégager des objets de culte très divers : des déesses de la fertilité, des compagnes de dieu et des représentations animales de divinité. Cela apparaît aussi bien sur des sites cananéens à l’âge du bronze, que sur des sites israélites à l’âge du fer.

Yahvé est un dieu du sud, Baal (représenté par un taureau) est originaire du nord. Comment ces dieux cohabitent-ils. Plutôt bien si l’on en croit l’archéologie. Mais la Bible parle de l’épisode du veau d’or : pendant que Moïse reçoit les tables de la Loi de Yahvé au Mont Sinaï, son peuple confectionne et idolâtre un veau d’or. Yahvé triomphera.

Comme chaque peuple alentours, les Israélites avaient un dieu national : Yahvé. Mais cela n’excluait pas la vénération également des autres dieux. Il y avait un petit panthéon autour de Yahvé.

En 722, l’invasion assyrienne d’Israël provoque un afflux de réfugiés dans le royaume de Juda. Puis l’économie de Juda se développe et ce petit royaume se transforme en un véritable état. Un siècle après la chute d’Israël, le roi de Juda, Josias, profitant du déclin de l’empire assyrien, projette de conquérir les territoires du nord.

Les réfugiés du nord avaient apporté avec eux leurs traditions et leurs cultes. Or, le dessein de Josias nécessite un peuple uni : une nation. Josias va procéder par étape :

  • Il va « découvrir » un livre attribué à Moïse, et rassembler la population autour des lois qu’il contient. Ce livre est sans doute le Deutéronome. L’une des idées majeures du Deutéronome est la centralisation du culte : tout le peuple d’Israël ne doit adorer qu’un seul dieu, et un seul endroit.
  • Il va éradiquer les cultes concurrents.
  • Il va élaborer une histoire commune en intégrant des traditions du nord et du sud.

Des preuves de cette centralisation du culte à Jérusalem, existent : des temples ont été détruits entre la fin du 8e et le début du 7e siècle, et n’ont jamais été reconstruits. Il n’en reste qu’un au 7e siècle : celui de Jérusalem.

La découverte du livre de Moïse légitime la réforme. Le livre va prendre, pour le Judaïsme, un statut qu’il n’avait pas auparavant.

Concernant la diffusion de l’écriture, l’archéologie en a découvert de nombreuses traces (textes économiques ou administratifs) au 7e siècle. Elles sont rares au 8e, et inexistantes avant.

L’émergence d’un état s’accompagne généralement d’une diffusion de l’écriture.

Avant le 7e siècle, les Israélites étaient illettrés. Au 7e siècle, l’écriture se répand massivement dans le peuple.

Sous le règne de Josias, une révolution s’est mise en marche. Jamais auparavant une société n’avait eu de texte sacré, investi d’une autorité souveraine. Les autres sociétés ne produisaient que des textes administratifs ou littéraires. L’autorité religieuse se transmettait par tradition orale. C’est un moment clé pour la civilisation occidentale.

Mais le rêve d’un grand royaume unissant Israël et Juda ne verra pas le jour. Josias mourra avant d’avoir pu l’accomplir, tué par la pharaon Neko II. Et le pire est à venir…

En 597 av. JC, les Babyloniens dévastent le royaume de Juda. Entre 588 et 586, Nabuchodonosor marche sur Jérusalem : le temple est incendié, la ville n’est plus qu’un champ de ruines. Juda est effacé de la carte.

Une proportion importante de la population est maintenu à Juda sous le joug babylonien. Une partie des habitants (et notamment les élites, les scribes et les prêtres) est exilée à Babylone. Le dernier roi de la lignée de David, Sedecias, est lui aussi exilé, et ses fils tués.

Plus de pays, plus de temple, plus de roi. Pour survivre, il faut trouver un autre moyen de créer une identité. Ce sont les scribes et les prêtres qui vont construire cette identité en reprenant un certain nombre de traditions antérieures. La réforme de Josias va être transformée, le temple se transposant en synagogue. A la place du roi, il y aura Moïse. A la place du pays, il y aura la Torah. Par le travail de l’écriture et de la réécriture, on va inventer le judaïsme tel qu’il va exister à l’époque perse.

Selon certains biblistes, c’est le scribe Esdras qui, au Ve siècle av. JC, aurait mis la touche finale à la Torah, le Pentateuque.

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Commentaires

  Commentaire(s) : 1

  1. Difficile de faire plus précis et mieux « résumé » (si cela est possible) le passionnant travail de Finkelstein et de Siberman pour quiconque (croyant ou pas) cherche à savoir ce qu’est ce gros pavé à la fois succulent, indigeste et foisonnant (et à peu près incompréhensible tel quel) qu’est « la Bible.
    Je m’autorise simplement à préciser, pour ceux qui n’auraient pas accès à la série d’épisodes télévisés de 2005, que celle-ci est directement inspirée d’un ouvrage parut en France en 2002 et également intitulé « La Bible dévoilée » (disponible en Folio/histoire). A noter également que les travaux de ces deux auteurs ont été suivi d’une étude plus spécifique concernant David et Salomon (l’origine de leur mythe, la part de la légende et de la réalité historique au regard des plus récentes découvertes archéologiques…) dans un ouvrage paru en 2006: « Les rois sacrés de la Bible » (également chez Folio/histoire), ouvrage dans lequel les deux chercheurs nuancent et précisent certaines des thèses soutenues dans leur précédent travail.

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