Non, il ne s’agit pas ici du nord de la France, cher à mon cœur, ni d’une étude statistique ou sociologique concernant la densité de baraques à frites autour du stade Bollaert. Le « nord » ici en question est à chercher dans le ciel : le nord céleste et cette étoile si connue (et pourtant si méconnue) qu’est l’étoile polaire. Et puis cela nous donnera l’occasion d’aborder de nombreux thèmes liés à l’astronomie…
Le nord sans boussole
Voilà un petit truc bien pratique qui vous permettra de briller comme une étoile devant vos amis, lors de vos soirées d’été (mais aussi d’automne, d’hiver et de printemps, si tant est qu’il n’y ait pas trop de nuages). Cela donnera des dialogues de ce genre :
– « Ah oui, je te confirme que la terrasse de ta maison est située plein nord (tout fier) car l’étoile polaire est là ! »
– « Bah ouais, je sais. Ça fait dix ans que j’habite ici, et que je suis à l’ombre. »
Au cas où votre ami vient d’emménager, voici la méthode la plus simple pour chercher l’étoile polaire qui, une fois trouvée, vous indiquera à coup sûr la direction du nord, et donc du sud derrière vous, de l’ouest sur votre gauche, et de l’est sur votre droite (pensez à la carte de France, avec la Bretagne à gauche, et l’Alsace à droite… et si vous êtes Québécois… eh bien tant mieux pour vous).
Le seul prérequis est de savoir reconnaître la Grande Ourse dans le ciel…
Mais si : c’est une grande casserole (ou un grand chariot) dessinée en reliant sept étoiles assez brillantes. Bon, en hiver, au soir, la Grande Ourse peut se retrouver un peu basse sur l’horizon, à nos latitudes. Si elle n’est pas dissimulée derrière une colline ou un immeuble, cela ne devrait pas être trop compliquée.
Une fois que vous avez la Grande Ourse bien en vue (ou la Grande casserole si vous préférez), prenez comme repère les deux étoiles les plus extrêmes côté récipient de la casserole (à l’opposé du « manche »), et tracez virtuellement un trait passant par ces deux étoiles, et allant dans la direction de l’eau qui s’écoulerait de cette casserole. Vous avancez d’à peu près cinq fois la distance séparant ces deux étoiles, et vous allez tomber sur une étoile moyennement brillante et relativement isolée : c’est l’étoile polaire !
Vous serez sûrement un peu déçu : ne vous attendez pas à voir un phare dans la nuit, l’étoile polaire est bien visible mais c’est loin d’être la plus brillante (il existe plus d’une quarantaine d’étoiles plus brillantes qu’elle sur notre voûte céleste).
Si votre ciel est bien noir, vous vous rendrez compte qu’elle se situe au bout du manche d’une petite casserole : la Petite Ourse. Mais il faut vraiment un ciel très noir pour voir toutes les étoiles dessinant cette petite casserole.
Ok, je sais qu’un dessin vaut souvent mieux qu’un long discours. Le voilà : la Grande Ourse (Ursa Major) est en bas et vous indique où se trouve Polaris, l’étoile polaire, au bout de la Petite Ourse (Ursa Minor)…
Si les conditions sont bonnes, vous n’avez plus qu’à filer dans votre jardin ou dans la rue (pensez à casser les lampadaires au lance-pierres)… Puis revenez ici lire la suite.
Dans l’axe
D’où vient cette curieuse propriété que semble posséder cette étoile ? Disons-le tout de suite, elle n’y est pour rien.
Avez-vous eu, dans votre enfance, un globe terrestre en guise de lampe de chevet ? Non ? Moi, oui. Mais peu importe, vous voyez à quoi je fais allusion : cette grosse boule un peu penchée, qui tourne, et sur laquelle sont dessinés les continents et les océans. La Terre, quoi.
Ce qui est surtout important ici, c’est le « un peu penché ».
Vous savez – enfin, je présuppose – que la Terre fait le tour du Soleil en un an. Ce grand tour presque rond qu’elle parcoure, s’appelle une orbite. Vous pouvez reproduire cela en prenant votre globe terrestre (en le tenant par la base), et en faisant le tour d’un lampadaire (ou de ce que vous voulez) qui nous servira de soleil… et vous n’êtes pas obligé de le faire en un an.
Durant ce grand tour, votre globe terrestre tourne également sur lui-même (un peu plus de 365 fois) autour de son « axe de rotation » : cette barre qui traverse votre globe et qui est un peu penchée par rapport à la base. Cet axe de rotation est penché parce que c’est ainsi que la Terre tourne sur elle-même pendant qu’elle se déplace sur son orbite.
Pour reproduire fidèlement ce qui se passe pour la Terre, lorsque vous faites le tour du lampadaire, vous devez vous arranger pour que cet axe pointe toujours dans la même direction.
Ce sera peut-être mieux avec une illustration montrant le parcours de la Terre autour du soleil tout au long de l’année : vous remarquez que l’axe de rotation (le petit bâton blanc fictif qui traverse la Terre et autour duquel elle tourne chaque jour) demeure toujours dans la même direction.
Et il se trouve que cet axe de rotation, côté nord (vers le haut si vous préférez), pointe dans la direction d’une étoile : l’étoile polaire, et cela toute l’année, en toutes saisons. Et donc, vous qui êtes sur le globe, lorsque vous regardez vers cette étoile, vous regardez obligatoirement vers le nord. Voilà tout.
Mais que ce soit clair : c’est un pur hasard si l’axe de rotation de la Terre vise cette étoile. D’ailleurs, dans l’autre sens, côté sud, cet axe ne pointe vers aucune étoile brillante. De même pour les autres planètes du Système solaire : chacune a un axe de rotation différent, penché sur son orbite avec un angle différent, et aucun de ces axes ne pointe bien sûr dans la même direction.
Pour conclure sur ce thème, voilà, ci-dessous, ce que vous obtenez lorsque vous laissez, la nuit, votre appareil photo ouvert en direction du nord. Pendant ce temps d’exposition (ici, quelques heures), la Terre tourne sur elle-même, donnant l’impression que ce sont les étoiles qui tournent dans l’autre sens. Chaque étoile laissent donc, dans l’appareil photo, l’empreinte de ce déplacement sous la forme d’un arc lumineux. Et l’on voit bien que toutes semblent tourner autour d’un point (le pôle nord céleste). Et près de ce centre, il y a une petite tâche blanche : c’est l’étoile polaire. Ce n’est pas exactement un point car elle n’est pas exactement pile-poil à la position du pôle nord céleste (elle se déplace donc, elle aussi, un tout petit peu).
Comme une toupie
Je viens de vous expliquer que l’axe de rotation de la Terre demeure continuellement dans la même position. Ce n’est pas tout à fait exact : tout comme le ferait une toupie, cet axe de rotation décrit un petit cercle… en 25 800 ans !
C’est un peu ce que montre l’animation ci-dessous (l’axe de rotation de la Terre étant représenté par la barre centrale). Mais attention, c’est en super méga accéléré car, dans la réalité, un seul tour correspond à presque 26 000 ans. C’est pourquoi à l’échelle humaine, on peut dire que cet axe demeure quasiment immobile.
Ce mouvement imperceptible n’est pas sans conséquence. Nous étudierons certaines de ses conséquences dans un article consacré aux saisons et aux signes du Zodiaque (précession des équinoxes) mais, concernant notre sujet, nous pouvons deviner que notre étoile polaire n’a pas toujours été une étoile polaire, et ne le sera pas non plus toujours… puisque l’axe de rotation change de direction au fil du temps.
Comme indiqué précédemment, le pôle nord céleste est le point fictif du ciel vers lequel pointe l’axe de rotation de la Terre, côté nord.
Le cercle orange ci-dessous montre l’endroit dans le ciel où se situe le pôle nord céleste en fonction de l’année (illustration Tauʻolunga – Wikimedia Commons).
On s’aperçoit qu’en l’an 2000 (+2000), c’est à dire à peu près aujourd’hui, ce pôle nord céleste se situe très près d’une étoile brillante. C’est notre fameuse étoile polaire (il continuera de s’en rapprocher jusque 2100, avant de s’en éloigner peu à peu).
Du temps de Jésus-Christ (0), ce point était très décalé par rapport à cette étoile (on trouvait le nord mais c’était plus approximatif).
Dans 2000 ans (+4000), le pôle nord céleste entrera dans la constellation de Céphée (la maison avec un toit pointu).
Et dans douze mille ans (+14000), il sera proche de l’une des plus brillantes étoiles du ciel, Véga de la Lyre, qui à son tour pourra être baptisée « étoile polaire » (si tant est qu’il y ait encore des humains pour la baptiser ainsi).
Une étoile quintuple
Pour finir, un petit mot sur l’étoile polaire elle-même. Celle qui porte donc actuellement ce titre, est également nommée « Alpha Ursae Minoris », en abrégé α Umi (Ursa Minor étant la Petite Ourse, la constellation au sein de laquelle se situe cette étoile). On appelle aussi cette étoile, « Polaris ».
Longtemps située à 434 années-lumière, sa distance a récemment été réévaluée à 323 années-lumière (nous reviendrons une prochaine fois sur ce problème de distance).
Comme la quasi-totalité des étoiles brillantes de notre ciel, c’est une supergéante, et plus précisément une supergéante jaune possédant 4,5 fois la masse de notre soleil. Et pour être encore plus précis, ceci ne concerne que l’étoile principale.
En effet, si notre soleil est une étoile célibataire, ce n’est pas le cas de Polaris qui est, en fait, un ensemble de cinq étoiles : une supergéante et quatre étoiles plus modestes, invisibles à l’œil nu.
L’astronome anglais William Herschel a découvert en 1779 le premier compagnon de l’étoile principale Polaris A qui fut donc nommé Polaris B. Deux autres étoiles, Polaris C et D, un peu plus éloignées mais également liées gravitationnellement, furent découvertes par l’Américain Sherburne Burnham en 1894. Enfin, une cinquième étoile gravitant, elle, à proximité de Polaris A, fut observée pour la première fois en 2006 par le télescope spatial Hubble, et fut nommée Polaris Ab. Lorsque vous regardez l’étoile polaire, c’est donc la lumière de cinq étoiles que capte votre œil (même si la presque totalité provient de Polaris A).
Ci-dessous un cliché à haute résolution du télescope spatial Hubble (NASA), avec un zoom, à droite, montrant la faible clarté de Polaris Ab, noyée dans la lumière de Polaris A…
Signalons enfin que Polaris A est une étoile variable (sa luminosité variant au cours du temps) de type céphéide. C’est même la céphéide la plus proche du soleil, et possède à ce titre une grande importance, ce type d’étoiles variables servant à calibrer l’échelle des distances d’autres objets astronomiques.
Il me reste à vous souhaiter de passer un bel été, le nez dans les étoiles !